Quandoom : DOOM classique revisité par l'informatique quantique
La convergence de l'industrie du jeu vidéo et de l'informatique quantique ouvre de nouvelles frontières passionnantes, bien que complexes. L'un des exemples les plus intrigants de cette intersection est Quandoom, une adaptation du jeu de tir à la première personne emblématique DOOM, théoriquement conçue pour fonctionner sur un ordinateur quantique. Mais dans quelle mesure un tel saut quantique dans le développement de jeux est-il réalisable aujourd'hui ?

Les obstacles techniques de Quandoom
Le projet Quandoom fixe des objectifs ambitieux qui illustrent clairement les limitations actuelles et les immenses besoins en ressources de l'informatique quantique tolérante aux fautes :
- Faire fonctionner le jeu nativement nécessiterait théoriquement un ordinateur quantique avec 72 376 qubits logiques et l'exécution d'environ 80 millions de portes quantiques par image.
- À titre de comparaison : le record actuel du plus grand nombre de qubits physiques dans un ordinateur quantique universel à portes (fin 2024) est significativement inférieur, se chiffrant souvent en centaines ou en quelques milliers (par exemple, le système à 1 225 qubits précédemment annoncé par Atom Computing). De plus, il s'agit de qubits physiques, et non des qubits logiques corrigés des erreurs impliqués par les exigences de Quandoom.
Cet écart considérable souligne à quel point nous sommes actuellement loin de disposer d'un matériel quantique capable d'exécuter nativement des applications d'une telle complexité.
Simulation sur des ordinateurs classiques : une solution de contournement
Étant donné qu'aucun ordinateur quantique existant ne peut exécuter Quandoom, le développeur, Luke Mortimer, a conçu une solution de contournement créative pour démontrer le concept :
- Il a créé un simulateur QASM (Quantum Assembly Language) léger, conçu pour fonctionner sur des ordinateurs classiques conventionnels. QASM est une représentation intermédiaire courante pour les circuits quantiques.
- Remarquablement, ce simulateur lui-même ne comprend qu'environ 150 lignes de code C++.
- L'exécution de la simulation de Quandoom sur un ordinateur portable moyen atteint une fréquence d'images de 10 à 20 images par seconde.
- L'exécution de cette simulation nécessite 5 à 6 Go de RAM, ce qui souligne les ressources classiques importantes nécessaires juste pour simuler les opérations quantiques complexes impliquées, même pour une version simplifiée du jeu.
Le jeu (en tant que simulation) peut être téléchargé depuis GitHub, et pour l'exécuter, il suffit de faire glisser le fichier QASM sur l'exécutable du simulateur.
Une expérience de jeu unique façonnée par les contraintes
Quandoom n'est pas simplement une preuve de concept technique ; il offre une expérience de jeu unique dictée par les contraintes théoriques du calcul quantique :
- Il utilise des graphismes filaires, rappelant les jeux de tir d'arcade à graphiques vectoriels des années 1980.
- Cette esthétique de « mode rayons X » sert un double objectif : elle confère au jeu un aspect unique tout en simplifiant considérablement les calculs visuels, les rendant plus gérables dans un cadre quantique.
- Le jeu est dépourvu de couleurs, de musique et d'effets sonores, ce qui réduit encore la surcharge de calcul.
- Les ennemis sont confinés à une seule pièce.
- L'attaque de boule de feu caractéristique de l'ennemi Imp est remplacée par une arme à tir instantané (comme le pistolet ou le fusil à chaîne du DOOM original).
Ces modifications substantielles étaient des compromis nécessaires en raison des limitations imposées par les principes de l'informatique quantique, en particulier l'exigence fondamentale que les opérations quantiques soient réversibles. La mise en œuvre d'une logique de jeu, d'une physique et d'un rendu complexes tout en respectant la réversibilité est un défi majeur.
Source : https://github.com/Lumorti
Processus de développement et perspectives d'avenir
Luke Mortimer, le créateur de Quandoom, a passé environ un an à développer le projet :
- Cela a impliqué d'écrire environ 8 000 lignes de code C++ pour construire un petit moteur 3D et mettre en œuvre la logique du jeu en utilisant des représentations de registres quantiques.
- Il a employé des techniques innovantes nécessaires à la conception d'algorithmes quantiques, telles qu'un système ancillaire (utilisant des qubits temporaires pour les calculs intermédiaires), un système de récupération de mémoire (pour annuler les résultats temporaires et maintenir la réversibilité) et un système de sous-routines quantiques.
- Actuellement, seul le premier niveau (E1M1) est jouable sous cette forme simulée. Cependant, la page GitHub du projet indique un potentiel d'expansion future et la publication du code source C++ s'il y a un intérêt communautaire suffisant.
Résumé
Le projet Quandoom est plus qu'une simple expérience intéressante mêlant jeu vidéo et informatique quantique ; il sert de référence unique soulignant à la fois les applications potentielles et les limitations pratiques actuelles de la technologie. Bien que l'exécution native de jeux complexes comme DOOM sur des ordinateurs quantiques reste une perspective lointaine, nécessitant des avancées significatives en matière d'échelle matérielle et de correction d'erreurs, Quandoom démontre de manière créative le type de réflexion nécessaire pour transposer des problèmes classiques sur des architectures quantiques.
Cette initiative peut inciter les développeurs et les chercheurs à continuer d'explorer les frontières du calcul quantique, à concevoir de nouveaux algorithmes quantiques, et peut-être à découvrir des formes entièrement nouvelles d'interaction et de gameplay uniquement adaptées au domaine quantique à l'avenir.